Le plus fou, c’est qu’il reste dans ces pays des vestiges de cette aventure commerciale entamée dès les années 1950. Vestiges qu’il convient de s’empresser de découvrir, car la modernisation rapide des parcs les condamne inexorablement. Ce qui s’est déjà produit au Brésil où les très vieux camions en activité ont pratiquement disparus.
Voici donc un petit hommage rendu à quelques-uns de ces valeureux patriarches qui étaient, au moins jusqu’à l’année dernière, en service actif malgré un âge très avancé pour certains. Dans leur pays d’origine, ces camions n’existent plus que dans les musées.
Commençons par le plus inattendu, un Lancia Esatau de 1955 qui était en vente, l’an passé, en Argentine. Inattendu, car les camions Lancia, déjà rares en Italie, l’ont été plus encore à l’export. Il s’en est pourtant vendu, en petites quantités, en Suisse, en Autriche et même France. Mais en Amérique…
Reste que, pour celui-ci, la route pourrait bien être finie. Son propriétaire ayant pris la précaution d’avertir les acheteurs potentiels : « para restaurar o usar ». Donc, plutôt pour la restauration que pour l’usage. Ce joli porteur de 13,4 t et 120 ch n’a eu qu’un seul propriétaire et 90 % de ses pièces sont, sinon d’époque, du moins d’origine. Ce qui est rare en Amérique latine, mais il semblerait que la marque y ait disposé d’un stock de pièces suffisant. Le moteur est complet mais ne fonctionne plus, cabine et carrosserie sont d’origine.
Plus récent, d’une dizaine d’années peut-être, ce Barreiros espagnol est un Super Azor, toujours au travail en Uruguay. Là aussi, c’est une surprise d’en trouver un si loin de ses bases, car Barreiros était une entreprise privée de taille assez modeste et très axée sur son marché domestique. Chrysler en deviendra propriétaire imposant progressivement la marque Dodge.
On sait quelques petites choses de ce camion. Par exemple, qu’il est motorisé par un diesel suralimenté Perkins de 195 ch (qui n’est pas d’époque) suivi d’un pont Eaton tandis que son essieu avant provient d’un châssis Mercedes, associé à un boîtier de direction repris à un Ford Cargo. Cocktail typiquement sud-américain.
Encore plus jeune, ce Fiat 693, photographié l’an dernier, au Venezuela, date de 1978. Trente-huit ans de rude service dans les roues, mais une apparence encore soignée, même si l’on voit que la tôle n’est plus toute jeune, que quelques ajustements de carrosserie sont défaillants ou qu’il manque un essuie-glace. Rien de très grave. Côté mécanique on ne sait pas si le véhicule a subi des transformations en cours d’existence.
Mais une chose devrait surprendre les bons connaisseurs des camions Fiat – ou les anciens qui en ont conduit. L’appellation 693 N 7 portée sur la calandre ne colle pas. Les 693, en France, on les a bien connus : de solides 6x4 qui ont souvent travaillé en benne, jusqu’au début des années 70. Mais pas avec cette cabine « groupe » (type H) qui est celle des 697 ! Alors, aurait-on greffé en cours de vie, après un accident peut-être, une cabine de 697 sur un vieux 693 à cabine « baffo » (moustaches) ? Très possible, mais faux. Cet arrangement singulier est en effet d’origine. Il a été appliqué, durant quelques années, à des modèles assemblés en Argentine, à l’usine Fiat Concord – qui fabriquait surtout des voitures.
Enfin, pour finir, un Pegaso. Un modèle de 1988 qui roule également au Venezuela, dans une configuration tracteur 6x2 qui ne figurait pas, à l’époque, dans l’offre espagnole. Un camion d’à peine 30 ans, presque un contemporain !
