Pourquoi lancer une gamme de pneus pour camions petits porteurs ?
Stéphane Bilot : Depuis 2012, la demande régionale a augmenté significativement sur le segment des petits porteurs. Ces derniers utilisent des pneus permettant une bonne tenue de route et une diminution du coût du carburant. Ils sont utilisés par des professionnels qui souhaitent des produits résistants et tout terrain pour une conduite plus confortable.
L'équipementier que vous représentez insiste également sur le rechapage. Pour quelle raison ?
S. B. : Le marché français du pneumatique poids lourd reste orienté vers le premium. Mais l'investissement dans des produits premium se justifie parce qu'ensuite, les pneus sont rechapés dans une deuxième, voire une troisième vie. Les clients de Bridgestone ont confiance dans ses produits premium si la qualité de la carcasse permet le rechapage. Le manufacturier s'inscrit dans cette logique afin d'accompagner ses clients, et accroît son offre de rechapage. Sans solution de rechapage, l'offre premium a moins de raison d'être.
Associer premium à rechapage, cela semble paradoxal...
S. B. : Dans la stratégie de Bridgestone, le pneu rechapé est un produit premium. Il faut une bonne base pour faire un pneu rechapé. Un Bridgestone acheté, c'est un support pour un futur pneu rechapé. La technologie développée par Bandag, en termes d'outils, de formation, de développement des bandes, est une offre premium dans la catégorie du rechapage. Même si elle n'est pas premium en termes de positionnement prix.
Un pneu premium Bridgestone peut durer combien de temps en neuf et ensuite en rechapé ?
S. B. : Selon l'activité de transport, le nombre de kilomètres et le niveau d'usure varie. Mais on sait que notre Bandag parcourt 100 % de kilomètres par rapport au neuf. Et le client l'achète 30 % moins cher.
Le produit rechapé est-il réservé aux applications de chantier ?
S. B. : Historiquement, les premiers clients du rechapage sont les entreprises de travaux publics, qui cherchent une grande motricité. Les kilométrages sont beaucoup plus faibles : on a des activités très usantes à moins de 100 000 km. Il est même possible de voir un produit rechapé trois, voire quatre fois. De nos jours, l'usage régional monte en puissance. Nous parlons de transporteurs qui couvrent un quart, voire la moitié de la France, effectuant des rotations quotidiennes moyennes de 500 km. Actuellement, il s'agit de notre cœur de cible dans le pneu rechapé. Un tracteur parcourt en moyenne 150 000 km par an avec deux pneus neufs à l'avant et quatre pneus rechapés à l'arrière. Et sur la remorque, deux pneus neufs sur le troisième essieu et des pneus rechapés sur les autres essieux. En termes de prix de revient kilométrique, c'est le meilleur modèle économique.
Pourquoi Bridgestone affiche-t-il sa stratégie vers le rechapage ?
S. B. : Le marché est porteur. Nous sommes convaincus que le pneu rechapé est un produit d'avenir. Dans tous les secteurs, le recyclage est en essor. Un pneu rechapé nécessite 70 % de matière en moins qu'un neuf. La dimension écologique est importante. Et du point de vue de l'utilisateur, le produit est moins cher tout en ayant la capacité de parcourir autant de kilomètres. Ces constats confortent Bridgestone dans l'idée de renforcer son offre premium en proposant des carcasses solides, qui vont pouvoir évoluer dans deux, voire trois vies en passant par une opération de rechapage. Notre stratégie consiste donc à proposer une offre premium renforcée et une offre de rechapage économique. Avec l'afflux de produits en provenance d'Asie, nous avons subi une baisse de prix des produits manufacturés. S'est créée une concurrence entre pneus rechapés et ces pneus neufs bas de gamme. Les marques premium conserveront le leadership en accroissant leur rendement, et en proposant une offre complète du produit neuf au rechapé.
