La piraterie ne connaît ni confinement ni trêve

 

Le dernier rapport du Bureau maritime international signale une hausse du nombre d’attaques au premier trimestre 2020, en particulier au large du Nigeria, où elles se font en outre plus violentes. Le document est publié au moment où un pétrolier a été attaqué dans le détroit d’Ormuz, marquant un regain de tension dans cette région rendue inhospitalière en 2019 du fait des tensions géopolitiques entre l’Iran et les États-Unis. La violence se met rarement sous cloche.

Si la crise sanitaire parvient à faire mettre un genou à terre aux premières puissances économiques et à emmener le monde vers les bas-fonds de la récession, elle a peu d’effet sur la piraterie. Celle-ci n’a pas déposé les armes et les actes sont même en hausse au premier trimestre 2020, selon le rapport du Bureau maritime international (BMI) rendu public le 14 avril 2020. Cet organisme dépendant de la Chambre de commerce internationale, qui recense les atteintes au commerce maritime, fait état de 47 attaques et 37 navires abordés au cours des trois premiers mois de l’année 2020. Au premier trimestre 2019, il avait eu connaissance de « seulement » 38 actes. Cette recrudescence s’accompagne cependant, souligne le BMI, de quelques bonnes nouvelles. Aucun détournement de navire, par exemple, n’a été signalé au cours des six derniers mois. Les côtes somaliennes ont aussi été épargnées.

Vu l’augmentation globale des agressions, le BMI réitère ses appels à la vigilance et à la poursuite de la coopération internationale : « Les patrouilles des forces navales, les mesures de sécurité à bord, la coopération et l'échange d'informations entre les autorités sont autant de facteurs qui contribuent à lutter contre les délits de piraterie et de brigandage », assure Michael Howlett. Le directeur du BMI insiste sur le fait que « la menace qui pèse sur l'équipage est toujours réelle, qu'elle provienne de bandes violentes ou des voleurs armés opportunistes se retrouvant par inadvertance face à face avec l'équipage. Les capitaines  doivent continuer à suivre les meilleures pratiques de l'industrie avec diligence et à effectuer des veilles. La détection précoce d'un bateau pirate en approche est souvent la clé pour éviter une attaque. »

Violence exacerbée

Le golfe de Guinée reste la zone la plus prisée des pirates. Au cours de premier trimestre 2020, 17 membres d’équipage y ont été enlevés au cours de trois assauts de navires situés à des distances de 45 à 75 milles de la côte. Au total, sur cette période, 21 actes y ont été enregistrés, dont 12 sur des navires naviguant à 70 milles des côtes en moyenne. Les auteurs sont généralement armés. Ils s’approchent en hors-bord, montent à bord des navires pour voler la cargaison et enlèvent des membres d’équipage pour exiger une rançon. » La violence s’exacerbe également : quatre navires ont ainsi été la cible de coups de feu dans la seule zone économique exclusive du Nigeria, alors qu’il n’y avait eu que dix tirs recensés sur des navires à travers le monde au cours de toute l’année 2019.

L’Indonésie a connu « seulement » cinq irruptions début 2020 sur des navires au mouillage, ce qui s’explique, selon le BMI, par un renforcement des patrouilles de la police maritime. Le détroit de Singapour n’est pas épargné, cinq navires y ont été visés alors que la zone était exempte de toute agression durant les premiers trimestres 2018 et 2019. « Ces attaques à main armée sont une distraction pour les équipages naviguant dans des eaux très fréquentées », regrette le BMI. « Dans un cas, l'équipage a réussi à enfermer ses assaillants, ce qui a permis leur arrestation ultérieure. » Le nombre d’actions malveillantes est aussi en augmentation en Inde, avec cinq cas, tandis qu’elle diminue en Amérique du Sud.

Les pays partenaires de l'Opep trouvent un arrangement

Tankers ciblés

Les navires les plus visés restent les transporteurs de produits pétroliers (12 attaques), devant les porte-conteneurs (8) et les vraquiers (7). Le BMI estime que beaucoup de délits échappent encore à tout recensement, en particulier ceux ayant lieu dans le golfe de Guinée et dans les eaux indonésiennes.
Ce rapport est publié alors qu’un navire-citerne, battant pavillon de Hong Kong et au mouillage à Fujaïrah, a été pris d’assaut par des hommes armés. Il s’agit d’un regain de tensions dans cette zone rendue inhospitalière en 2019 en raison des tensions géopolitiques entre l’Iran et les États-Unis. Plusieurs tankers y ont été arraisonnés et certains ont fait l’objet d’attaques aux explosifs, si bien qu’une escorte maritime internationale avait dû être déployée dans la région pour escorter les navires marchands. « La reprise de la détention des navires envoie un signal aux États-Unis. L'Iran signifie ainsi qu’elle continue à s'opposer aux sanctions, ainsi qu'à l'Arabie saoudite, un allié clé des États-Unis, que le pays est prêt à prendre des mesures pour remédier à l'offre excédentaire du marché pétrolier mondial et ne restera pas les bras croisés », a noté Dryad Global dans une mise à jour destinée à ses clients. 

Étienne Berrier 

 

Les armateurs écrivent un guide à l’intention des marins pour déjouer les pirates de la côte ouest africaine

Une « lecture obligatoire », disent-ils. Fin mars, les organisations professionnelles représentant les armateurs, exploitants et propriétaires de flotte dans les segments du transport de conteneurs, de vrac sec et liquide – Bimco, Intercargo, Intertanko –, ainsi que la Chambre internationale de la marine marchande (ICS) et le Forum maritime international des compagnies pétrolières (OCIMF) publiaient un guide téléchargeable gratuitement* sur la sûreté maritime pour les marins opérant au large de l'Afrique de l'Ouest et du Golfe de Guinée

« La publication aidera les marins à détecter, dissuader et retarder les menaces extérieures à leur sécurité », indiquaient-ils. « En raison du regrettable manque d'efficacité dans l'application de la loi, en particulier dans l'est du Golfe de Guinée, ce guide consolidé de lutte contre la piraterie est une lecture indispensable pour les marins qui opèrent à la portée des pirates nigérians », vantait Angus Frew, le secrétaire général de Bimco. « Avec cette publication, complétée par une formation adéquate, nous espérons que les marins se sentiront et seront plus en sécurité. Leurs commentaires seraient également les bienvenus pour permettre au secteur d'améliorer les conseils proposés », ajoutait Kostas G. Gkonis, son homologue pour Intercargo. « L'insécurité dans le golfe de Guinée continue de gâcher la vie des marins qui travaillent dans la région. Cette publication fournit des orientations pour atténuer la menace. Bien qu'il ne s'agisse que d'une petite partie de la solution, la clé reste entre les mains de la région », expliquait alors Katharina Stanzel, directrice générale d’Intertanko.

Pour Guy Platten, le secrétaire général de l’ICS, « il est inacceptable que les attaques de pirates dans le Golfe de Guinée continuent à menacer la vie de nos marins, surtout à un moment où nous devons également repousser la menace du virus covid-19. Cette publication montre l'engagement ferme de l'industrie du transport maritime en faveur de la sécurité des personnels qui font fonctionner le commerce mondial ».

 

*Best management practices to Enhance maritime security for vessels & mariners operating off the coast of west Africa including the gulf of Guinea 

 

 

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