Transport de bétail : vers une réglementation plus stricte ?

 

Le transport maritime des animaux est de plus en plus controversé. Les ONG montent au créneau pour réclamer des règles plus strictes. Mais le transport de carcasses réfrigérées de bêtes déjà abattues est plus coûteux et les principaux pays importateurs exigent des animaux vivants.

Les vidéos d’images insoutenables témoignant sur les réseaux sociaux de conditions de transport indignes et une série d’accidents cette année ont placé ce segment du fret maritime sous une lumière crue. En novembre 2019, un naufrage au large de la Roumanie condamnent 14 600 moutons. En avril de cette année, ce sont des carcasses de bovins partis du Portugal qui s'échouent sur des plages des Baléares et d'Israël. En mai, à Barcelone des dizaines de cadavres et des milliers de bovins affamés sont découverts dans deux navires en provenance d'Amérique du Sud. Les ONG de défense des animaux s'appuient sur ces événements et se font de plus en plus virulentes à l'égard du transport d'animaux par mer.

Avec l'augmentation du niveau de vie à l'échelle planétaire, la demande en viande n'a cessé de croître au cours des vingt dernières années. Mais les populations qui consomment désormais steaks ou gigots n'ont pas nécessairement dans leur propre pays les animaux nécessaires à leurs festins. Alors veaux, vaches, chèvres et moutons prennent eux aussi la mer. Pour les bovins, les flux partent des pays européens, et en tout premier lieu la France, à destination des pays du Maghreb et du Proche et du Moyen-Orient. Chaque année, ce sont 3 millions de têtes de bétail qui traversent ainsi la Méditerranée du nord au sud ou d'ouest en est.

Reefers trop chers

Pour les moutons, les principaux pays exportateurs sont l'Australie et la Nouvelle Zélande, avec des destinations similaires à celles des bovins partis d'Europe. Koweït et Qatar arrivent largement en tête, avec plus de 600 000 ovins importés chaque année. Suivent Turquie, Oman, Israël et Jordanie. Plus quelques lots, en milliers de têtes cette fois, destinés à l'Asie.

Si le Proche et le Moyen-Orient sont si présents, deux raisons dominent. D'une part, les acheteurs préfèrent pratiquer eux-mêmes les abattages rituels, et donc importer des animaux vivants. D'autre part, alors qu'il semblerait pourtant plus sain et plus sûr de transporter des carcasses réfrigérées d'animaux déjà abattus, le coût serait alors plus élevé, intégrant l'abattage lui-même, le maintien de la chaîne du froid et le nécessaire recours à des reefers.

Navires inadaptés

Au-delà du fait que le bétail n'est a priori pas fait pour supporter plusieurs jours de mer, les ONG s'insurgent aussi contre des navires souvent inadaptés. Il existe certes des navires bétaillers, tel l'Ocean Shearer, dont les neuf ponts peuvent recevoir 20 000 bovins ou 75 000 moutons. Mais beaucoup d'autres sont tout simplement des ferries ou des cargos reconvertis. « Rampes de chargement et de déchargement trop pentues, angles droits, éclairage inadéquat, ventilation et système d'abreuvement défaillants, litière insuffisante ou de mauvaise qualité, enclos surchargés manquant parfois de place en hauteur pour que les animaux puissent tenir la tête droite », la liste des griefs qu'énumèrent les défenseurs des animaux est longue.

L'Organisation mondiale pour la santé animale a bien formulé plusieurs chapitres sur le sujet dans son Code sanitaire des animaux terrestres. « Lorsque le choix du transport par voie maritime est arrêté, le respect des conditions de bien-être des animaux tout au long du voyage est un objectif d’importance primordiale et relève d’une responsabilité partagée entre toutes les personnes prenant part à l’opération », est-il prôné en tête de la partie portant sur les responsabilités. Sauf qu'aucun contrôle n'est exercé.

Demande d'interdiction hors UE

Certes, il existe un règlement CE sur le transport des animaux, mais il s'applique à la route et pas au maritime. Selon un arrêt de la Cour de justice européenne de 2015, la protection animale prévue dans les textes européens s'applique pourtant jusqu'au port d'arrivée dans un pays tiers. La Commission européenne a elle aussi reconnu ses faiblesses en la matière dans un rapport publié en mai dernier. Il y est reproché aux autorités compétentes dans les ports de départ d'autoriser trop souvent le transport des animaux « sur la foi de documents incomplets ou incorrects » et « sans tenir compte des conditions météorologiques au cours du trajet ou au port de sortie de l'UE ».

Mais aucune limite sur la durée du transport n'est fixée, alors que les ONG en réclament une à cor et à cri. Elles demandent aussi que les navires soient agréés et régulièrement inspectés. Cinq d'entre elles (CIWF, Welfarm, LFDA, Fondation Brigitte Bardot et L214) demandent même l'interdiction des exportations vers les pays tiers et leur suspension quand la température dépasse 30°C, comme l'ont déjà acté les Pays-Bas. Et, à terme, que le transport ne porte plus sur des animaux vivants mais seulement sur leurs carcasses.

Myriam Guillemaud Silenko

 

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