Camions Berliet « down under », une brève aventure australienne

La semaine dernière, dans cette même rubrique, nous vous avions montré un convoi exceptionnel de la compagnie australienne Brambles emmené par un tracteur Leader dont les ponts arrière étaient signés… Berliet.

Or, le constructeur français ne s’est pas contenté de livrer des essieux en Australie, il y a aussi vendu des camions. Oh, pas des masses, bien sûr, mais tout de même, l’aventure mérite d’être rappelée. D’autant qu’elle coïncide avec un moment difficile de son histoire : les premiers Berliet arrivent dans le pays alors que l’entreprise vient d’être rachetée par Renault et qu’elle disparaîtra, trois ans plus tard, fusionnée avec Saviem, sous la houlette de Renault Véhicules Industriels.

Bien que modeste, le travail accompli restera donc sans lendemain, les stratèges de RVI ne voyant pas, dans la lointaine Australie, une opportunité de développement. Ils changeront d’avis par la suite, lorsque Mack, passé sous la coupe de Renault, diffusera là-bas, avec un certain succès d’ailleurs, des camions de la série G, ainsi que des bus urbains PR100/PR180 carrossés localement.

Mais revenons aux origines. L’histoire de Berliet en Australie tient avant tout à la rencontre de deux hommes, Cyril Anderson et Paul Berliet. Le premier, homme d’affaires très actif dans le transport, possède plusieurs sociétés qui distribuent notamment des camions japonais et américains (UD/Nissan Diesel et Mack). Mais surtout, il s’est lancé, au début des années 1970, dans la conception et la fabrication de camions taillés sur mesure pour les conditions de travail australiennes, créant la marque Leader. Or, pour ses plus gros Leader, Cyril Anderson recherche des composants robustes, en particulier des essieux moteurs à double réduction que ses fournisseurs américains ne sont pas en mesure de lui fournir. Or les ponts Berliet, qui ont fait leur preuve en Afrique, l’intéresse au plus haut point. C’est ainsi que divers composants français seront montés sur des châssis Leader, surtout des ponts, mais aussi des essieux directeurs et même quelques moteurs. Paul Berliet avait également proposé à Cyril Anderson de lui fournir des cabines KB 2400 (celle des TR 300 et autres TR 280, également choisie par Ford pour son Transcontinental), mais l’affaire ne se fera finalement pas.
En revanche, Cyril Anderson créera une société d’importation des camions Berliet en Australie, dont le démarrage sera plutôt chaotique. Les 18 premiers châssis, des 6x4 et quelques 4x2, seront bien achetés et livrés, mais ils resteront sur parc près de trois ans, car personne ne voulait vraiment s’en occuper….

Il est vrai qu’ils souffraient de quelques handicaps : la marque était totalement inconnue dans le pays et bien qu’ils aient été à peu près correctement mis aux normes australiennes, ces camions devaient encore être homologués. Gros travail en perspective. Et pour ne rien arranger, toute la documentation technique était en français !

Ce n’est qu’avec l’arrivée de Barry Ford, recruté en 1978, que l’aventure Berliet en Australie démarre vraiment. L’homme a été embauché avec pour seule mission de mettre (enfin) ces camions sur la route. Et il y parviendra. Barry finira même par se passionner pour la marque et ses singuliers véhicules. Les 18 exemplaires initiaux trouveront tous preneurs et trois ans plus tard on comptait 40 Berliet en service en Australie. Essentiellement dans l’est du pays, à proximité de l’importateur, car il n’y avait pas vraiment de réseau national. Il s’agissait de GBH/TBH 280 6x4 à capot et de TRH/TR 280 6x4 et 4x2 à cabine avancée. Le TRH 305, à motorisation suralimentée et inter-refroidie de 305 ch, a également été introduit mais il n’aura pas le temps de commencer une carrière. Car en France, au siège de Renault Véhicules Industriels, l’Australie apparaît comme un marché trop risqué. La décision est donc prise de l’abandonner. Seul soulagement pour Barry Ford, la perspective de devoir vendre des Renault à la place de « ses » Berliet le catastrophait… La marque Renault ayant en effet été adoptée, pour tous les modèles, à partir de 1980.



Ci-dessus, un Berliet GBH 280 équipé en grumier, avec triqueballe posé sur le châssis pour les trajets à vide. Conduite à droite et roo-bar distingue ce modèle qui stationne au côté d’un International Acco de fabrication australienne.

Plusieurs GBH ont été livrés en grumier dans le pays. Darryl Clouten a été le premier à en utiliser un en 1979. Un camion qu’il a d’abord loué, pendant huit mois, afin de l’évaluer en conditions réelles, avant de l’acheter, convaincu de ses qualités. Il en acquerra même un second peu après.

Une expérience qu’il raconte dans un long reportage paru dans la revue australienne Truck & Bus Transportation en juin 1981. Nous avons repris en ouverture une photo de cet article dans lequel Darryl Clouten explique comment et pourquoi il est passé aux Berliet.

Pour faire court, disons que ce sont ses ponts à planétaires, de 33 t de capacité sur le tandem, qui l’ont fait réfléchir en premier. Travaillant à 90 % hors route, sur de mauvaises pistes, avec de fortes rampes, notre homme a connu, avec tous ses précédents camions, d’énormes problèmes de casse sur les essieux moteurs et les suspensions qui ne supportaient ni la charge ni les conditions de roulage, très sévères, de son exploitation. Or, il n’a plus jamais cassé un pont avec ses Berliet ! Et seulement une lame en deux ans, sur une suspension avant.

Certes, les châssis français étaient jugés un peu lourds (8,5 t tout équipés) et ils pouvaient sembler sous-motorisés avec leur 265 ch, mais à l’usage vitesse commerciale et consommation se sont révélées meilleures que précédemment. Le 6 cylindres Berliet de 12 l suralimenté était par ailleurs sans souci. Spécificité locale, il était associé à une boîte de vitesses américaine Spicer à 20 rapports. Du costaud.

Le montage ultérieur d’un ralentisseur électromagnétique Telma sur les deux camions se révèlera aussi une réussite : auparavant, les freins devaient être changés tous les six mois, avec le Telma ils n’étaient qu’à mi-usure après douze mois ! Sans parler du confort, de la sécurité et du gain de vitesse moyenne.



Le stand Berliet au salon de Brisbane de 1978. Un GBH 280 6x4 carrossé en benne y tenait la vedette. Il travaillera dans une mine de charbon, près d’Ipswich, dans le Queensland.



Nick Banavas fut le plus gros exploitant de camions Berliet en Australie avec une flotte de six TRH 280. Le pare-brise de celui-ci n’est pas d’origine. Il est vrai que l’approvisionnement en pièces détachées, à une telle distance de la France, était un vrai problème, malgré la constitution sur place d’un stock important.



La photo n’est pas très bonne mais elle a valeur de document. On y voit Paul Berliet, à gauche sur l’image, en visite chez Leader en 1976. A droite, Cyril Anderson, le fondateur de Leader qui importera, via une société distincte, les premiers camions Berliet en Australie et qui utilisera, sur certains des siens, des composants français, principalement des ponts.

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